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Thivierge c. Bellemare, 2021 QCCA 678 (CanLII)

Date :
2021-04-28
Numéro de dossier :
500-09-028576-197
Référence :
Thivierge c. Bellemare, 2021 QCCA 678 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jfn2h>, consulté le 2024-09-30

Thivierge c. Bellemare

2021 QCCA 678

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-028576-197

(500-17-102847-186)

 

DATE :

 28 avril 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

RICHARD THIVIERGE

APPELANT – demandeur

c.

 

NICOLAS BELLEMARE, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec

INTIMÉ – mis en cause

et

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

MIS EN CAUSE – défendeur  

et

CATHERINE OUIMET, en sa qualité de secrétaire du Conseil de discipline du Barreau du Québec

MISE EN CAUSE – mise en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]         Richard Thivierge, un avocat aujourd’hui à la retraite, appelle d’un jugement de la Cour supérieure[1] qui rejette le pourvoi en contrôle judiciaire qu’il a institué à l’encontre d’une décision du Tribunal des professions[2]. Cette décision infirme celle rendue précédemment par le Conseil de discipline du Barreau du Québec[3] en vertu de l’article 149.1 du Code des professions[4], qui énonce ce qui suit :

149.1. Un syndic peut saisir le conseil de discipline, par voie de plainte:

1°  de toute décision d’un tribunal canadien déclarant un professionnel coupable d’une infraction criminelle;

2°  de toute décision rendue au Québec le déclarant coupable d’une infraction visée à l’article 188 ou d’une infraction à une disposition d’une loi du Québec ou d’une loi fédérale;

3°  de toute décision rendue hors Québec le déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Québec, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale en vertu de l’article 188 ou d’une poursuite pénale en vertu d’une disposition d’une loi du Québec ou d’une loi fédérale.

La décision visée au premier alinéa doit, de l’avis du syndic, avoir un lien avec l’exercice de la profession.

Une copie dûment certifiée de la décision judiciaire fait preuve devant le conseil de discipline de la perpétration de l’infraction et, le cas échéant, des faits qui y sont rapportés. Le conseil de discipline prononce alors contre le professionnel, s’il le juge à propos, une ou plusieurs des sanctions prévues à l’article 156.

[Soulignements ajoutés]

_ _ _ _ _

[2]         Saisi d’une plainte du syndic fondée sur cette disposition, le Conseil de discipline a conclu que les infractions criminelles pour lesquelles l’appelant a plaidé coupable (infractions de nature sexuelle commises sur une enfant mineure) n’avaient pas de lien avec l’exercice de la profession d’avocat et plus exactement avec l’exercice de sa profession, c’est-à-dire les caractéristiques de sa pratique en droit des affaires. Voici comment le Conseil de discipline s’exprime à ce sujet :

[189]   […] le Conseil doit évaluer si ces actes remettent en cause les qualités essentielles de I'intimé à exercer sa profession et font douter de ses compétences professionnelles.

[190]    Le Conseil doit donc examiner in concreto quelles étaient les activités professionnelles de I'intimé au moment des événements et quelles sont-elles aujourd'hui.

[191]   ll doit aussi regarder le type de clientèle qu'il dessert et son environnement de travail.

[192]    La preuve a démontré que I'intimé est un avocat de droit des affaires qui se spécialise depuis plus de vingt (20) ans en financement des entreprises, baux commerciaux, fusion et acquisition.

[193]    Sa clientèle est composée uniquement de gens d'affaires.

[194]    ll n'a pas à être en contact avec des personnes mineures.

[195]    Les autres avocats de son cabinet pratiquent en droit civil et commercial.

[196]    La preuve révèle également que la jeune victime n'était pas une cliente de l'intimé ou de son cabinet, n'avait pas de lien avec la clientèle de I'intimé ou du cabinet, n'était pas une employée et n'était liée d'aucune façon à l'exercice de sa profession d'avocat.

[197]    La preuve démontre aussi que la relation malsaine que l'intimé entretenait avec sa victime ne se déroulait pas à son cabinet, mais bien dans l'environnement de sa vie privée.

[198]    ll importe de souligner que la preuve n'a pas démontré que la profession d'avocat de l'intimé ou son titre d'avocat ait pu jouer un rôle dans la relation malsaine qu'il entretenait avec sa victime.

[199]    De plus, selon l'évaluation psychologique mentionnée dans la décision de la Commission sur les libérations conditionnelles déposée en preuve, la déviance sexuelle de I'intimé semblait limitée à la victime et à la particularité de la relation qui les unissait.

[200]    Par conséquent, le Conseil ne peut faire autrement que constater que le comportement sexuel déviant de I'intimé n'a aucun rapport avec sa pratique du droit.

[Soulignements ajoutés]

[3]         En appel de cette décision, le Tribunal des professions juge que le Conseil de discipline a erré en examinant la question du lien entre les infractions et la profession uniquement en rapport avec les caractéristiques particulières de la pratique de l’appelant. La revue de sa jurisprudence l’amène plutôt à conclure que, pour établir l’existence ou l’inexistence de ce lien, il faut tenir compte plus généralement des « qualités essentielles à l’exercice de la profession d’avocat, indépendamment de la pratique spécifique du professionnel » (paragr. 84), ce dernier point ne devant être pris en compte qu’au stade de la détermination de la sanction (paragr. 80).

[4]         Or, de l’avis du Tribunal des professions, il existe un lien entre les infractions pour lesquelles l’appelant a plaidé coupable et les qualités essentielles à l’exercice de la profession d’avocat, dont celles d’auxiliaire de la justice et de défenseur et agent de promotion des droits et libertés de la personne :

[87]      L’exercice de la profession d’avocat est davantage lié à la dignité, l’intégrité, l’honneur, le respect, la modération, la courtoisie et à l’obligation de soutenir le respect de la loi et de servir la justice.

[88]      Comme auxiliaire de la justice, l’avocat a aussi un rôle dans l’administration de celle-ci, notamment en raison de la nature publique de sa fonction et de son devoir de collaboration prévu à l’article 2 de la Loi sur le Barreau. La confiance du public à l’égard de l’avocat est intimement liée à celle du système de justice.

[…]

[91]      La profession d’avocat implique donc des exigences plus importantes que d’autres en regard de la défense et de la promotion des droits et libertés et ainsi, le lien entre la commission d’infractions criminelles et l’exercice de cette profession est plus facilement repérable.

[92]      Le droit à la représentation par avocat est élevé au rang de droit fondamental tel que le prévoient les articles 34 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés. De ce fait, l'exercice de la profession d'avocat constitue un instrument de protection et de sauvegarde des droits fondamentaux promulgués par les chartes.

[…]

[99]      Non seulement le comportement d’un avocat en exercice doit-il refléter le respect des lois et du système juridique, mais aussi, au premier plan, le respect des droits fondamentaux de la personne. Or, la perception du public à cet égard est fondamentale.

[100]   Les infractions criminelles dont le professionnel a été reconnu coupable sont en lien avec l'exercice de la profession d'avocat. En effet, leur gravité intrinsèque de même que les circonstances de leur perpétration, de façon répétée et sur une longue période, majorés au contexte d’abus de confiance envers la victime mineure constituent une atteinte grave aux droits de la personnalité. Il s’agit d’autant d’éléments en contradiction avec le rôle de l’avocat/auxiliaire de justice dans la société. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui. 

[101]   En raison de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’omission du Conseil de procéder à la première étape de l’analyse est déterminante puisqu’elle a eu comme conséquence d’occulter toute la réflexion liée à l‘essence même de la profession d’avocat dans le contexte de l’évaluation du lien entre les infractions à caractère sexuel commises à l’égard d’une personne mineure et la profession d’avocat.

[Soulignements ajoutés]

[5]         Le Tribunal des professions infirme donc la décision du Conseil de discipline, mais, n’ayant pas en main ce qui lui permettrait d’imposer la sanction appropriée, renvoie l’affaire au Conseil à cette fin.

[6]         La Cour supérieure, tel que mentionné, rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de l’appelant. Appliquant la norme de la décision raisonnable, la juge conclut que l’interprétation que donne le Tribunal des professions à l’article 149.1 C.P. est compatible avec l’objectif général de la loi qui est de protéger le public, de même qu’avec sa jurisprudence antérieure qu’elle tente de concilier :

[65]      Les motifs du TP sont élaborés et clairs. L’interprétation qu’ils retiennent peut reposer sur l’article 149.1 C.p. sur l’objet de cette disposition qui s’inscrit dans l’objet général de cette loi, soit celui de protéger le public, et les dispositions législatives connexes ainsi que sur la lecture de la jurisprudence retenue par le TP.

[66]      Elle ne constitue pas non plus une décision hors champs ou excentrique ou encore contraire à une jurisprudence constante ou à l’objet de la loi. Elle tente plutôt de concilier les différentes décisions rendues au fil du temps tout en tenant compte du libellé de l’art. 149.1 C.p. et de l’objectif de protection du public.

[7]         En réponse à l’argument de l’appelant qui soutenait, et soutient toujours, que la décision du Tribunal des professions contredit sa propre jurisprudence, la juge rappelle que ce dernier, en tant que tribunal spécialisé, n’a pas à appliquer la règle du précédent (stare decisis) de façon stricte et qu’il a toute la latitude pour préciser et modifier le cadre d’analyse applicable à l’article 149.1 C.P. pourvu que celui-ci demeure raisonnable. De plus, toujours selon la juge, la Cour supérieure n’a pas pour mission de régler les conflits jurisprudentiels survenant au sein d’un tribunal d’appel spécialisé :

[73]      De plus, c’est précisément le rôle du TP, à titre de tribunal d’appel spécialisé, de dire le droit sur le cadre d’analyse applicable, lequel n’a pas à être statique, mais peut se préciser ou évoluer au fil des décisions rendues.

[…]

[75]      De plus, le TP, en tant que tribunal administratif, avait toute latitude, du moins du point de vue d’un juge de révision, pour raffiner, préciser et même modifier le test applicable, pourvu que celui-ci demeure dans le cadre de ce qui est raisonnable. 

[…]

[80]      Quoi qu’il en soit, la règle du stare decisis ne s’applique pas aux tribunaux administratifs tels que le TP, et ce, bien qu’une cohérence décisionnelle soit certes souhaitable.

[81]      En effet, et même si certaines décisions du TP peuvent faire état d’un choix de respecter cette règle ou de la respecter dans une certaine mesure, sur le plan du contrôle judiciaire, les décisions spécialisées qui se démarquent d’un précédent ou semblent être en conflit avec d’autres décisions rendues par la même instance spécialisée ne donnent pas lieu à contrôle judiciaire pour ce seul motif dans l’état actuel du droit.

[82]      En plaidant lors de l’audience que la décision du TP n’a pas respecté la règle du stare decisis, et que l’intervention de la Cour supérieure serait justifiée pour ce motif, le demandeur se trouve en réalité à plaider que cette dernière aurait la latitude d’intervenir pour régler les conflits jurisprudentiels survenant au sein de ce tribunal d’appel spécialisé, ce qui n’est pas le cas. 

[83]      Ainsi, il vaut de le mentionner à nouveau, les méthodes ou cadres d’analyse adoptés par une même instance décisionnelle spécialisée aux fins d’appliquer des dispositions législatives au cœur de son expertise peuvent différer ou évoluer pourvu qu’elles demeurent raisonnables. C’est le cas ici, tel que déjà vu.

[Soulignement ajouté]

_ _ _ _ _

[8]         L’appelant convient que la Cour supérieure a bien identifié la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal des professions, soit la norme de la décision raisonnable. Il soutient cependant que la juge l’a mal appliquée en ne considérant pas sa jurisprudence antérieure, notamment l’affaire Grenier[5] où le Tribunal a pris en compte les caractéristiques particulières de la pratique de l’avocat en cause au stade de la détermination du lien requis entre les infractions criminelles et l’exercice de sa profession. Il s’agissait dans cette affaire d’un représentant du ministère public qui avait plaidé coupable à une accusation de possession de cocaïne.

[9]         Toujours selon l’appelant, la juge aurait également erré en élaborant un nouveau test foncièrement déraisonnable en ce qu’il écarte les caractéristiques propres à la pratique de l’avocat visé par la plainte au profit de prétendues qualités jugées essentielles à l’exercice de la profession en général.

_ _ _ _ _

[10]      De l’avis de la Cour, il n’y a pas lieu de faire droit à l’appel.

[11]      La question du lien entre les infractions et l’exercice de la profession d’avocat, il faut en convenir, est des plus intéressantes. Cela dit, la juge de la Cour supérieure a eu raison de ne pas s’immiscer dans ce débat qui relève du Tribunal des professions, « une instance spécialisée (et même surspécialisée), […], qui a été créé par le législateur en vue de chapeauter l’ensemble du système de régulation professionnelle au Québec et d’assurer le développement de normes générales, y compris en matière disciplinaire […] »[6]. Il vaut la peine à cet égard de souligner que le législateur a doté le Tribunal du « pouvoir d’intervention le plus vaste qui soit », à savoir celui de confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu (article 175 du Code des professions)[7].

[12]      Ainsi, la juge de la Cour supérieure ne commet pas d’erreur lorsqu’elle écrit que le Tribunal des professions avait toute latitude pour modifier le test applicable en vertu de l’article 149.1 du Code des professions dans la mesure où, bien sûr, celui-ci demeure dans le cadre de ce qui est raisonnable. Cet énoncé est en tout point conforme avec l’arrêt récent rendu par notre Cour, en 2019, dans Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Brevil[8] :

[16]      Plus précisément, le fait qu’il y ait, au sein d’un tribunal administratif spécialisé, une controverse jurisprudentielle sur une question relevant, comme ici, de sa compétence exclusive ou que s’y affrontent deux ou trois écoles de pensée sur un même sujet alors qu’il y avait autrefois unanimité n’est pas, en soi, motif de contrôle judiciaire. L’affaire est entendue depuis l’arrêt Domtar Inc. c. Québec (CALP), la règle ayant été réitérée récemment dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) et reprise maintes fois par notre cour, notamment dans les arrêts McKenna c. Commission des lésions professionnelles; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine; Commission de la construction du Québec c. Bergeries du Fjord inc.; Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec; Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9229-6177 Québec inc., pour n’en donner que quelques exemples. Devant la concurrence d’interprétations raisonnables, il revient donc au tribunal administratif de choisir celle qui lui paraît préférable ou qui lui paraît la meilleure, dénouant ainsi la controverse.

[17]      Pareillement, la survenance d’un revirement jurisprudentiel au sein d’un tribunal administratif ne justifie pas davantage, en soi, le contrôle judiciaire. Comme l’écrit encore le juge Morissette, cette fois dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, examinant une décision qui s’écartait de la jurisprudence antérieure du tribunal administratif en cause :

[72] […] Confrontée à des faits difficiles, une interprétation qu’on croyait reçue fait voir ses faiblesses. Sans être fréquents, de tels infléchissements sont assez banals en jurisprudence; on leur doit en partie la fécondité du droit. Dans ces conditions, je ne vois pas, pour ma part, comment l’on pourrait qualifier l’interprétation adoptée par la CLP 1, et la décision qui en est résultée, de déraisonnable ou de manifestement erronée. […]

[18]      L’émergence d’une nouvelle interprétation au sein du TAT, en ce qui touche la problématique en cause, n’appelait donc pas l’intervention de la Cour supérieure et celle‑ci a donc correctement statué en rejetant le pourvoi en contrôle judiciaire dont l’a saisie l’appelante. Il en aurait été autrement si cette interprétation nouvelle avait été indéfendable, c’est-à-dire déraisonnable, mais ce n’est pas le cas.

[Soulignement ajouté]

[13]      En bref, il ne saurait être question pour une cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’empêcher un tribunal administratif spécialisé, à l’égard de qui la déférence est de mise, de changer d’orientation et de modifier un cadre d’analyse dans la mesure où cela se justifie au regard de la norme de la décision raisonnable.

[14]      Or, en l’espèce, comme le rappelle la juge de la Cour supérieure, on ne peut pas affirmer, comme le soutient l’appelant, que le Tribunal des professions a ignoré sa jurisprudence antérieure. Il a au contraire soigneusement revu et discuté les décisions portées à son attention, apporté les distinctions qui, selon lui, s’imposaient pour finalement élaborer, dans le cadre de l’application de l’art. 149.1 du Code des professions, un test en deux étapes qu’il énonce comme suit[9] :

[79]      On retient aussi de cette jurisprudence que la première étape visant à déterminer l’existence d’un lien entre la commission d’infractions criminelles et l’exercice d’une profession consiste à examiner la nature des infractions dont le professionnel a été reconnu coupable, leur gravité de même que les circonstances entourant leur commission et ce, en relation avec les qualités essentielles à l’exercice de cette profession. Si le Conseil conclut à l’absence de lien, l’exercice s’arrête à cette première étape.

[80]      Si le Conseil conclut à l’existence d’un lien entre la commission des infractions criminelles et l’exercice de la profession visée, il y a alors lieu d’aborder la seconde étape de l’exercice prévu aux articles 55.1 et 149.1 C. prof. À cette deuxième étape, le décideur prend en compte la pratique spécifique du professionnel visé afin de décider s’il est opportun d’imposer des sanctions et, le cas échéant, lesquelles.

[15]      Ce test a-t-il les attributs de la raisonnabilité?

[16]      L’appelant soutient que celui-ci est trop exigeant, qu’il est déraisonnable de voir parmi les qualités essentielles de l’avocat un engagement de sa part au regard des droits de la personne.

[17]      C’est là un point de vue qui se défend. Le Tribunal des professions, instance spécialisée et mandatée « par le législateur en vue de chapeauter l’ensemble du système de régulation professionnelle au Québec et d’assurer le développement de normes générales »[10], voit cependant les choses autrement. Il considère que l’exercice de la profession d’avocat est davantage lié à la dignité, l’intégrité et l’honneur, que la confiance du public à l’égard de l’avocat est intimement liée à celle du système de justice[11] et qu’elle implique donc des exigences plus importantes que d’autres au regard de la défense et de la promotion des droits et libertés[12].

[18]      La Cour est d’avis que ce point de vue se défend tout autant que celui de l’appelant et possède tous les attributs de la raisonnabilité. La juge de la Cour supérieure a eu raison de ne pas intervenir.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[19]      REJETTE l’appel avec les frais de justice.

 

 

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

Me Giuseppe Battista, Ad. E.

Battista Turcot Israel

Pour l’appelant

 

Me Nicolas Bellemare

Barreau du Québec

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

15 avril 2021

 



[1]    Thivierge c. Tribunal des professions, 2019 QCCS 3809.

[2]    Avocats (Ordre professionnel des) c. Thivierge, 2018 QCTP 23.

[3]    Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Thivierge, 2015 QCCDBQ 36 (CanLII), 2015 QCCDBQ 036.

[5]    Grenier c. Avocats (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 177.

[6]    Parizeau c. Barreau du Québec, 2011 QCCA 1498, paragr. 86.

[7]    Id., paragr. 76.

[9]    Avocats (Ordre professionnel des) c. Thivierge, supra, note 2, paragr. 79, 80.

[10]    Parizeau c. Barreau du Québec, supra, note 6, paragr. 86.

[11]    Avocats (ordre professionnel des) c. Thivierge, supra, note 2, paragr. 87 et 88.

[12]    Id., paragr. 91.