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Barry Dusome et Wyatt Dusome (Re), 2024 CACB 11 (CanLII)

Date :
2024-05-29
Numéro de dossier :
1670
Référence :
Barry Dusome et Wyatt Dusome (Re), 2024 CACB 11 (CanLII), <https://canlii.ca/t/k5w6x>, consulté le 2024-09-30

Référence : Barry Dusome et Wyatt Dusome (Re), 2024 CACB 11

Décision du commissaire no 1670

Commissioner’s Decision #1670

Date : 2024-05-29

SUJET :

B00

B22

J00

J10

J30

Revendications—Caractère ambigu or indéfini (incomplet)

Revendications—Portée excessive—Non appuyée par la divulgation

Objet des demandes—Signification de la technique

Objet des demandes—Programmes d'ordinateur

Objet des demandes—Jeux

 

TOPIC:

B00

B22

J00

J10

J30

Claims—Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

Claims—Excessive Width—Not Supported by Disclosure

Subject Matter of Applications—Meaning of Art

Subject Matter of Applications—Computer Programs

Subject Matter of Applications—Games

Demande no 2 701 028
Application No. 2701028


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96–423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 701 028 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Demandeur :

Barry Dusome et Wyatt Dusome

7, rue Mill Ouest

Hillsdale (Ontario) L0L 1V0


 

Introduction

[1] La présente recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 701 028, qui est intitulée « PROCÉDÉ POUR JOUER À UN JEU DE CARTES ». Elle appartient à Barry Dusome et Wyatt Dusome (« le Demandeur »). La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251) (« les Règles sur les brevets »).

[2] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, la Commission d’appel des brevets recommande que le commissaire aux brevets rejette la demande au motif que les revendications au dossier visent un objet non brevetable, en contravention à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, ainsi que d’autres irrégularités.

CONTEXTE

La demande

[3] La demande de brevet 2 701 028 concerne généralement un nouveau type de jeu de poker, joué soit avec des cartes physiques conventionnelles, soit sur un système informatisé avec des images de cartes affichées. Il y a 24 revendications au dossier qui ont été reçues au Bureau des brevets le 12 septembre 2018.

Historique de la poursuite

[4] La demande a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et sa date de dépôt au Canada est le 3 octobre 2008. Elle est devenue accessible au public le 9 avril 2009.

[5] Le 22 novembre 2018, l’examinateur a rendu une décision finale en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96–423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019. La décision finale refusait la demande pour motif que toutes les revendications englobent un objet non brevetable qui ne satisfait pas à la définition d’invention selon l’article 2 de la Loi sur les brevets, ainsi que pour d’autres irrégularités mineures.

[6] Le Demandeur a fourni des modifications proposées et des arguments en faveur de la brevetabilité dans une réponse du 21 mai 2019 à la décision finale.

[7] L’examinateur a tout de même continué à considérer que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets. Par conséquent, en vertu du paragraphe 199(3) des Règles sur les brevets, la demande refusée a été transmise le 16 janvier 2020 à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs.

[8] La Commission d’appel des brevets a transmis une copie du résumé des motifs au Demandeur le 17 janvier 2020. Dans une lettre reçue le 7 avril 2020, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait toujours la poursuite de la demande.

[9] J’ai été chargé par la Commission d’appel des brevets de réviser la demande et de présenter une recommandation quant à la décision à rendre à son sujet.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire envoyée le 8 avril 2022, j’ai exposé mon analyse de la question de l’objet brevetable et des problèmes mineurs à l’égard des revendications au dossier et des modifications proposées. Le refus par l’examinateur avait été guidé par une pratique antérieure du Bureau des brevets pour évaluer l’objet brevetable, subséquemment remplacée par « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020–04]. Mon analyse a appliqué les principes d’EP2020–04. J’ai principalement considéré que la demande vise un objet non brevetable, irrégularité qui n’est pas corrigée par les modifications proposées.

[11] Le Demandeur a soumis une réponse à la lettre de révision préliminaire avec des modifications proposées le 7 juin 2022 et d’autres revendications proposées le 13 juin 2022. Une audience a eu lieu par audioconférence le 14 juin 2022. Puisqu’il y a eu des correspondances subséquentes au sujet des problèmes mineurs du langage de rédaction des revendications, le Demandeur a soumis d’autres versions des revendications proposées les 16 juin, 17 juin et 22 juin 2022.

[12] La Cour d’appel fédérale a rendu une décision pertinente dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore & Co., 2023 CAF 168 [Benjamin Moore]. Afin de m’assurer que le Demandeur a reçu l’avis complet des questions à aborder, ainsi que la possibilité de fournir une réponse, j’ai réexaminé la demande et mis à jour la révision préliminaire à la lumière des commentaires de la Cour dans Benjamin Moore. Le 19 janvier 2024, j’ai envoyé au Demandeur une lettre de révision préliminaire supplémentaire ayant priorité sur la précédente. Mon opinion préliminaire supplémentaire était que la demande visait un objet non brevetable et avait d’autres irrégularités mineures.

[13] J’ai offert au Demandeur la possibilité de répondre à la lettre de révision préliminaire supplémentaire et de participer à une autre audience. Le Demandeur a soumis une réponse incluant un ensemble de revendications proposées le 22 mars 2024.

[14] Nous avons tenu une audience par téléconférence le 2 avril 2024. En réponse à une certaine discussion des problèmes mineurs dans le langage des revendications proposées du 22 mars 2024, le Demandeur a soumis un ensemble final de revendications proposées, reçu le 12 avril 2024.

[15] J’ai achevé la révision de la demande en instance et du dernier ensemble de revendications proposées du 12 avril 2024 et fourni une recommandation ci‑dessous.

Questions

[16] La question principale est la suivante :

  • si les revendications visent un objet brevetable conformément à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets (la décision finale n’a pas cité le paragraphe 27(8), mais ce paragraphe concerne la question de l’objet brevetable).

[17] La décision finale a également souligné quelques problèmes mineurs à l’égard du caractère indéfini, de la mise en page et de la numérotation des pages. Ces problèmes mineurs sont les suivants :

  • si les revendications 1 et 22 à 24 sont claires et conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • si les pages 6 et 6a de la description sont libres de notes interlinéaires et conformes au paragraphe 68(1) des Règles sur les brevets (DORS/96–423) dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019;
  • si les pages du mémoire descriptif sont numérotées de façon consécutive conformément au paragraphe 73(1) des Règles sur les brevets (DORS/96–423) dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019.

[18] J’ai également analysé quelques irrégularités mineures supplémentaires, expliquées ci-dessous. Le Demandeur a été avisé de ces irrégularités dans la lettre de révision préliminaire supplémentaire conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets.

[19] J’ai également évalué les plus récentes modifications proposées aux revendications reçues le 12 avril 2024 et les plus récentes modifications proposées à la description reçues le 7 juin 2022.

Interprétation des revendications

Principes juridiques et pratique du Bureau

[20] L’interprétation téléologique précède toute évaluation de la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, au par. 19 [Free World Trust]).

[21] Conformément à Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est menée à partir du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes, tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[22] L’énoncé de pratique EP2020–04 résume l’interprétation téléologique en notant que tous les éléments dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication (voir également Free World Trust, au par. 57, Distrimedic Inc c. Dispill Inc, 2013 CF 1043, au par. 201).

Les revendications interprétées téléologiquement

[23] L’interprétation téléologique commence par la définition de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes. La décision finale les définissait comme suit :

[traduction]

La personne versée dans l’art, laquelle peut être une équipe de personnes, est versée dans le domaine des jeux de cartes, et plus particulièrement le jeu de poker.

La personne versée dans l’art est également compétente dans le domaine des jeux en général.

Les connaissances générales courantes sont démontrées par le contexte du présent mémoire descriptif et des documents D1 et D2, comme il est indiqué en détail ci-dessous :

• un jeu de cartes qui peut être joué au moyen d’un paquet de 52 cartes standard (description : par. 3; D1 : col. 5, lignes 1 à 18) ou d’une plateforme électronique (description : par. 2; D2 : revendication 16);

• diverses règles existent pour jouer à un jeu de cartes, y compris la division de la main initiale en une première main et une deuxième main et le jeu d’une deuxième partie de poker avec ladite deuxième main (description : par. 5; D1, abrégé, col. 3, lignes 5 à 27);

• diverses règles existent pour faire plusieurs mises dans un jeu de cartes, y compris faire une première mise dans une première cagnotte et une deuxième mise dans une deuxième cagnotte (D1 : abrégé, col. 3, lignes 5 à 27; D2 : par. 18).

D1 :

US 6 062 565

16 mai 2000

Chadband et coll.

D2 :

US 200410038720 A1

26 février 2004

Valente

[24] Le Demandeur n’a pas contesté ces définitions dans la réponse à la décision finale, mais a écrit ce qui suit :

[traduction]

Une personne versée dans l’art saurait que le poker est joué avec les 52 cartes de poker décrites avec une quelconque variante du jeu qui est jouée. Elle saurait également que le fonctionnement de l’invention (les mécaniques du poker), étant un jeu de mises, comprendrait également un croupier, une table, des joueurs, des jetons, des mises et une hiérarchie de mains de poker pour déterminer les mains gagnantes. La personne versée dans l’art connaîtrait également que les techniques de jeu peuvent être exécutées par un ordinateur spécifiquement programmé comportant une représentation des 52 cartes essentielles.

[25] Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire supplémentaire, le Demandeur a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le Demandeur ajoute que la personne versée dans l’art saurait également, comme dans la revendication 24 modifiée, à brancher un groupe d’utilisateurs ou de clients sur Internet pour participer à un événement de poker; qu’il serait évident que chaque utilisateur doit s’identifier afin de leur permettre de se brancher par Internet au serveur du commerçant; ce qui est effectué au moyen des détails d’identification et de compte que l’utilisateur a saisi, lesquels sont stockés dans un « témoin » d’identification unique sur le serveur des commerçants, puis envoyés à l’utilisateur pour être stockés sur l’ordinateur de l’utilisateur ou du client, pour lui permettre de se brancher par Internet rapidement au serveur du commerçant ou à l’ordinateur hébergeant l’événement en utilisant le « témoin » pour identifier le client et son cumul de jetons ou sa participation dans une salle de poker « virtuelle » ou une position à une table de poker « virtuelle ».

[26] La connaissance de techniques informatiques sous-entend que la personne versée dans l’art ou l’équipe incluraient un programmeur informatique. J’accepte cette définition élargie de la personne versée dans l’art. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprendraient l’architecture informatique client-serveur, la communication Internet et les « témoins », bien que l’architecture client-serveur et les « témoins » ne sont pas mentionnés dans la divulgation originale. Puisque les revendications 22 à 24 récitent des mises en œuvre au moyen d’un ordinateur sans détail quant à la façon dont de telles mises en œuvre doivent être programmées, j’estime que la façon de programmer un jeu de poker sur un ordinateur, une machine de jeu, un appareil informatique portatif ou un réseau relèverait des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[27] J’estime que la perspective du Demandeur des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art est compatible avec la perspective de l’examinateur. J’adopte comme connaissances générales courantes les connaissances citées ci-dessus de la décision finale et des observations du Demandeur.

[28] La revendication 1 au dossier est représentative et se lit comme suit :

[traduction]

Un procédé pour jouer un jeu de cartes de poker avec mises, comprenant les étapes suivantes :

a) fournir un appareil de jeu de cartes comprenant au moins un paquet physique de 52 cartes de poker constitué de cartes de jeu standards comprenant quatre enseignes différentes de treize cartes illustrant les cartes de l’enseigne du cœur numérotées de 2 à 10, du valet, de la reine, du roi et de l’as, treize cartes illustrant les cartes de l’enseigne du carreau numérotées de 2 à 10, du valet, de la reine, du roi et de l’as, treize cartes illustrant les cartes de l’enseigne du pique numérotées de 2 à 10, du valet, de la reine, du roi et de l’as, treize cartes illustrant les cartes de l’enseigne du trèfle numérotées de 2 à 10, du valet, de la reine, du roi et de l’as, et permettant à une pluralité de joueurs de miser à tout le moins une première mise initiale dans une première cagnotte au début d’une première partie de poker et une deuxième mise initiale dans une deuxième cagnotte au début d’une deuxième partie de poker;

b) mélanger les cartes de jeu génératrices de nombres physiques dans un nouvel ordre et le croupier distribuant à chaque joueur une main initiale comprenant une pluralité d’un nombre prédéterminé de cartes de jeu;

c) chaque joueur divisant sa main initiale en une première main et une deuxième main, la première main qui consiste d’une pluralité d’un nombre prédéterminé de cartes de jeu et correspondant à ladite première cagnotte et la deuxième main qui consiste d’une deuxième pluralité d’un nombre prédéterminé de cartes de jeu et correspondant à ladite deuxième cagnotte;

d) les joueurs jouant une première partie de poker au moyen de leur première main et entamant une première ronde de mises où chaque joueur à son tour relance, suit, passe ou fait parole, la première ronde de mises se poursuivant jusqu’à ce que : 1) les joueurs passent et un seul joueur reste, dans quel cas le joueur restant gagne la première cagnotte; 2) un joueur relance et tous les autres joueurs suivent ou passent; ou 3) tous les joueurs font parole;

e) si les mains de deux joueurs ou plus sont toujours en jeu, alors le croupier distribuant une carte de duel face vers le bas dans une zone désignée pour la main de duel du croupier et le croupier distribuant une première carte communautaire la face vers le haut;

g) débuter une troisième ronde de mises, identique à la première et à la deuxième ronde de mises, avec les joueurs restants, s’il y a des joueurs restants, puis les joueurs restants combinant les cartes dans leur première main avec les deux cartes communautaires tournées vers le haut pour former la première meilleure main de poker possible, le joueur ayant la première meilleure main de poker possible gagnant la première cagnotte;

h) les joueurs jouant ensuite une deuxième partie de poker au moyen de leur deuxième main et débutant une première ronde de mises dans la deuxième partie de poker où chaque joueur à son tour relance, suit, passe ou fait parole; s’il reste un joueur après la première ronde de mise, le croupier brûlant une carte du paquet et le croupier distribuant une troisième carte communautaire, tournée vers le haut;

i) débuter une ronde finale de mises dans la deuxième partie de poker, après laquelle le dernier joueur à relancer la deuxième cagnotte doit dévoiler sa deuxième main et les joueurs après lui peuvent soit passer ou dévoiler leur deuxième main, puis chaque joueur combine sa deuxième main et les trois cartes communautaires tournées vers le haut pour former une deuxième main de poker, le joueur ayant la deuxième main de poker la plus élevée étant le gagnant de la deuxième partie de poker et obtient une première partie de la deuxième cagnotte de la deuxième partie de poker;

j) comparer la deuxième main de poker du joueur gagnant avec la main de duel du croupier comprenant les deux cartes de duel et les trois cartes communautaires tournées vers le haut pour former une main de duel du croupier de cinq cartes et accordant au deuxième joueur gagnant la partie restante de la cagnotte si la main du joueur gagnant de la deuxième partie de poker a une main de poker d’un ordre plus élevé que la main de duel du croupier et où la partie restante de la deuxième cagnotte qui n’est pas gagnée par le gagnant de la deuxième partie de poker dans une main de duel est attribuée à une cagnotte de duel d’une autre partie jouée subséquemment;

k) si un gagnant est déclaré dans la première partie de poker avant qu’un nombre prescrit de cartes communautaire soit exposé ou que les rondes de mises soient achevées, alors les cartes communautaires restantes et les rondes de mises connexes sont transférées à la deuxième partie de poker;

l) si un gagnant est déclaré dans la deuxième partie de poker avant de dévoiler toutes les cartes communautaires, le croupier créera alors la main de duel du croupier et dévoilera toute autre carte communautaire sans aucune ronde de mises connexe.

[29] J’estime que tous les éléments énoncés dans la revendication sont essentiels. La personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’utilisation de langage indiquant qu’un des éléments est optionnel ou fait partie d’une liste d’éléments de rechange. Dans le même ordre d’idées, tous les éléments récités dans les revendications dépendantes 2 à 21 sont essentiels.

[30] Les revendications 22 à 24 récitent les mises en œuvre informatisées du jeu. Bien que ces revendications dépendent directement ou indirectement de la revendication 1, laquelle récite des cartes de jeu physiques, j’interprète ces revendications, comme je l’ai fait dans la lettre de révision préliminaire supplémentaire, comme visant des mises en œuvre informatisées avec seulement des représentations virtuelles des cartes de jeu. J’estime que les éléments informatisés sont essentiels.

L’invention réelle vise-t-elle un objet brevetable?

[31] À mon avis, l’invention réelle définie par la revendication 1 au dossier ne vise pas un objet brevetable pour les raisons qui suivent.

Principes juridiques et pratique du Bureau

[32] Toute invention brevetable doit correspondre à la définition établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris à l’une des catégories définies dans celle-ci :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[33] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[34] L’EP2020–04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[35] La détermination de l’invention réelle est une question pertinente et nécessaire dans l’évaluation d’un objet brevetable (Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328, au par. 42 [Amazon]). Comme il est indiqué dans Benjamin Moore, au par. 68, cette détermination correspond à la déclaration de la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Le commissaire aux brevets, 1981 CanLII 4718 (CAF), [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger] que l’évaluation d’un objet brevetable comporte la détermination de ce qui a été découvert selon la demande. L’invention réelle est identifiée dans le contexte de la nouvelle découverte ou connaissance et doit en bout de compte satisfaire à « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite à la définition « d’invention » (Amazon, aux par. 65 et 66).

[36] Amazon au par. 44, nous indique qu’une « revendication du brevet [peut] être exprimée dans un langage qui [est] trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » et que ce qui semble à première vue être une « réalisation » ou un « procédé » peut en fait être la revendication d’une formule mathématique, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[37] Cette opinion est exprimée dans la position de la Cour pour l’affaire Amazon que la présence d’une application pratique n’est peut-être pas, dans certains cas, suffisante pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel, lequel exige quelque chose avec une présence physique ou qui manifeste un effet ou un changement discernable (Amazon, aux par. 66 et 69). Pour illustrer ce point, Amazon fait référence à Schlumberger, où les revendications « n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon, au par. 69).

[38] En ce qui a trait aux revendications de mise en œuvre informatisée à évaluer, les préoccupations relatives à l’objet brevetable concernant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustrées par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs établis dans l’énoncé de pratique EP2020–04 qui peuvent être considérés dans l’examen des inventions mises en œuvre au moyen d’un ordinateur, à savoir :

  • le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée vise un objet brevetable;
  • un algorithme en soi est un objet abstrait non brevetable et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • un ordinateur programmé pour traiter un algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable;
  • si le traitement d’un algorithme améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui sera brevetable.

[39] Les facteurs ci-dessus et les préoccupations générales concernant l’emploi bien connu d’un ordinateur pour traiter des algorithmes abstraits peuvent être considérés comme comportant l’évaluation de la nouveauté ou de l’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas les considérations de la nouveauté ou de l’inventivité des éléments d’une revendication dans l’évaluation de l’objet brevetable et cela est appuyé dans des situations comme celle de Schlumberger où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner à une formule mathématique abstraite une application pratique (Benjamin Moore, aux par. 69 et 70, faisant référence à Amazon). Ces considérations aident avec la détermination de la découverte ou de la nouvelle connaissance, du procédé d’application et de l’invention réelle (Benjamin Moore, au par. 89) qui sont en bout de compte mesurés en fonction de l’exigence du caractère matériel.

[40] Comme il est noté dans Benjamin Moore, au par. 94 (et exprimé de façon similaire dans Amazon, au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera probablement pas satisfaite sans quelque chose de plus que seulement un instrument bien connu, comme un ordinateur, étant utilisé pour mettre en œuvre un procédé abstrait. Les facteurs établis ci-dessus de l’énoncé de pratique EP2020–04 aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.

[41] En ce qui concerne la question de savoir si quelque chose est considéré comme une « réalisation », une affaire pertinente est Lawson c. Commissaire aux brevets (1970) 62 CPR 101, aux p. 109 et 110 [Lawson]. Dans cette affaire, la Cour a analysé un procédé pour décrire et disposer des parcelles de terrains. En ce qui a trait à la signification de « réalisation », la Cour a noté ce qui suit :

[traduction]

Une réalisation ou une action est une action ou une série d’actions exécutées par un quelconque agent physique sur un quelconque objet physique et produisant sur un tel objet un quelconque changement soit dans le caractère, soit dans l’état. Elle est abstraite puisqu’elle porte à la contemplation de l’esprit. Elle est concrète puisqu’elle consiste de l’application d’agents physiques à des objets physiques et est subséquemment évidente aux sens en lien avec un quelconque objet ou instrument tangible.

[42] En ce qui a trait à l’aspect ludique des revendications, dans Progressive Games, Inc c. Canada (Comissaire aux brevets), 1999 CanLII 8921 (CF 1re inst) [Progressive Games CF 1re inst], la Cour a soutenu qu’un procédé de jeu de poker n’est pas une « réalisation », puisqu’il ne s’agissait pas d’un procédé d’application d’apprentissages ou de connaissances comme ces mots ont été utilisés dans Shell Oil Co c. Canada (Commissaire aux brevets), 1982 CanLII 207 (CSC), [1982] 2 RCS 536, à la p. 548 [Shell Oil]. Au paragraphe 20, la Cour écrit :

Je ne crois pas que les modifications que l’appelante a apportées à la façon de jouer au poker augmentent le bagage de connaissances au sujet des jeux. À mon avis, elles ne renvoient pas à un « apprentissage » ou à une « connaissance » selon le sens habituel de ces mots lorsqu’ils sont utilisés dans des expressions ou en liaison avec des expressions comme « l’état des connaissances » et « l’antériorité ».

[43] Le Bureau des brevets ne considère pas que la manière de jouer à un jeu est un objet prévu par la loi (voir le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) article 17.03.09, révisé en novembre 2017 [RPBB]). Le RPBB indique ce qui suit :

Une façon de jouer à un jeu ou à un sport n’apporte pas de solution à un problème pratique, et, par conséquent, toute méthode de jeu n’est pas un objet prévu par la Loi. Cela s’applique autant dans le cas où une méthode revendiquée se distingue par des règles spécifiques qui s’appliquent au jeu, que lorsque des actes doivent être accomplis en vue d’obtenir des résultats spécifiques reliés au jeu.

L’invention réelle constitue des règles pour un jeu

[44] En appliquant l’EP2020–04, j’identifie l’invention réelle. La revendication représentative 1 énonce un procédé pour jouer un jeu de poker avec mises au moyen de cartes de jeu physiques conventionnelles.

[45] Comme il est indiqué dans la lettre de révision préliminaire supplémentaire, j’estime que l’invention réelle de la revendication 1 est les règles pour un nouveau jeu de poker à jouer avec des cartes de jeu physiques conventionnelles. Dans le même ordre d’idées, pour la revendication 22, l’invention réelle est les mêmes règles pour un nouveau jeu de poker à jouer au moyen d’une mise en œuvre informatisée bien connue avec l’affichage d’images de cartes de jeu. Au cœur de la question de l’objet concernant cette invention réelle se trouvent les questions suivantes :

  • Un procédé pour jouer à un jeu est-il une « réalisation » parmi les réalisations manuelles et productives?
  • L’invention réelle a-t-elle une présence physique?

[46] En ce qui a trait à la première question, comme je l’ai écrit dans la lettre de révision préliminaire supplémentaire, j’estime que le procédé pour jouer à un jeu de poker n’est pas une réalisation comme le définit Lawson, puisque cela ne change pas le caractère ou l’état d’un quelconque objet matériel.

[47] En ce qui a trait à la deuxième question – la présence physique – la Cour écrit dans Benjamin Moore CAF (par. 94) en ce qui a trait à l’exigence du caractère matériel exprimé dans Amazon :

Autrement dit, si la seule nouvelle connaissance consiste en la méthode en soi, c’est cette méthode qui constitue l’objet brevetable. Toutefois, si la nouvelle connaissance se limite au recours à un outil connu (livre ou ordinateur) comme moyen d’application pratique de la méthode, elle ne sera pas visée par la définition prévue à l’article 2 à moins de présenter une autre composante qui respecte les exigences énoncées au paragraphe 66 de l’arrêt Amazon.

[48] À mon avis, les cartes de jeu physiques de la revendication 1, et leur manipulation, bien qu’elles soient des éléments essentiels, ne font pas partie de l’invention réelle. Les cartes elles-mêmes sont complètement standards. Il n’y a aucune nouveauté ou ingéniosité dans les cartes. Elles ne fournissent pas le « quelque chose de plus » auquel la Cour fait référence. Les symboles imprimés sur elles permettent de suivre de l’information d’importance intellectuelle seulement et leur manipulation sert seulement à réorganiser la présentation de cette information qui possède seulement une signification intellectuelle. L’invention réelle de la revendication 1 est donc un objet non brevetable qui ne satisfait pas à la définition d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les étapes d’un procédé pour jouer le jeu constituent seulement un algorithme abstrait et ne sont donc pas brevetables en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[49] Dans le même ordre d’idées, l’invention réelle des revendications 2 à 21 est les détails de diverses étapes de procédé pour jouer des parties de poker.

[50] Les revendications 22 à 24 visent à la mise en œuvre du nouveau jeu de poker sur un ordinateur, plutôt qu’avec des cartes de jeu physiques. J’estime que les mêmes arguments concernant les cartes physiques ci-dessus s’appliquent à l’ordinateur. Bien qu’il soit physique et essentiel, le fonctionnement du système informatique est générique dans ce cas-ci. L’utilisation de la programmation découlant des connaissances générales courantes et d’un système informatique ne fait pas partie de l’invention réelle de ces revendications.

[51] Dans Schlumberger, le tribunal a conclu que, même si des ordinateurs étaient nécessaires pour que l’invention soit mise en pratique, l’ordinateur ne faisait pas partie de [traduction] « ce qui a été découvert » et n’était donc pas pertinent pour déterminer si l’invention revendiquée était un objet brevetable; l’ordinateur n’était qu’utilisé pour faire le type de calculs pour lesquels il avait été inventé.

[52] L’invention énoncée aux revendications 22 à 24 ne se distingue pas de celle de Schlumberger à cet égard. Il n’y a aucune suggestion dans le mémoire descriptif et les observations que les éléments informatiques revendiqués représentent quoi que ce soit d’autre que des éléments informatiques génériques. Dans le même ordre d’idées, il n’y a aucune suggestion que les étapes informatisées revendiquées exécutées par ces éléments représentent quoi que ce soit d’autre que des fonctions bien connues de composantes informatiques génériques ou que le fonctionnement de l’ordinateur soit amélioré par les étapes revendiquées. L’ordinateur traite simplement certaines entrées (les mises et le jeu des cartes virtuelles) en fonction de règles définies comme les ordinateurs sont conçus pour le faire normalement et afficher l’information résultante (cartes jouées, gains et pertes et soldes de jetons). Il n’y a aucun composant physique ou effet physique discernable produit. Par conséquent, l’invention réelle est abstraite et interdite en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Les arguments du Demandeur concernant la jurisprudence ne sont pas convaincants

[53] Dans ses diverses observations, le Demandeur a cité trois affaires :

  • Amazon.com;
  • Progressive Games CF 1re inst;
  • Shell Oil.

[54] L’EP2020–04 tient compte des directives de la Cour dans Amazon.com et mon analyse a suivi l’EP2020–04. Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire supplémentaire, le Demandeur affirme (à la page 5) que l’EP2020–04 a des lacunes juridiques et morales. Le Bureau des brevets estime que cette pratique correspond à la plus récente jurisprudence. La Cour d’appel fédérale n’a pas tranché à l’encontre de son utilisation.

[55] Le Demandeur a affirmé dans la réponse à la lettre de révision préliminaire supplémentaire et lors de la deuxième audience qu’il est inadmissible d’exiger une détermination de l’invention réelle subséquemment à l’interprétation téléologique des revendications. Comme le Demandeur l’a fait valoir à mainte reprise, [traduction] « il n’y a pas de deuxième étape ». Bien qu’il n’y ait pas de deuxième étape dans l’interprétation téléologique, les tribunaux n’ont pas jugé qu’il est inadmissible de déterminer l’invention réelle de façon distincte des éléments essentiels des revendications interprétées.

[56] Dans la réponse à la décision finale, le Demandeur semble déduire de Progressive Games CF 1re inst que les changements plus importants dans le jeu du Demandeur ajoutent de l’apprentissage ou des connaissances à la sagesse cumulative de l’objet des jeux. Le Demandeur a également souligné la remarque de la Cour fédérale que le jeu dans cette affaire constituait une application pratique. Cependant, dans Progressive Games, Inc c. Canada (Commissaire aux brevets), 2000 CanLII 16577 (CAF), en affirmant la décision de la Cour inférieure, la Cour d’appel fédérale a noté ce qui suit :

De plus, nous ne décidons pas pour autant que le résultat aurait été différent si les changements apportés au jeu existant avaient été plus importants.

[57] En bout de compte, les changements de règles au poker dans Progressive Games CAF ont été considérés comme non brevetables.

[58] Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire supplémentaire, le Demandeur a cité de Shell Oil que [traduction] « une idée désincarnée n’est pas en tant que telle brevetable. Mais elle le sera s’il existe une méthode pratique de l’appliquer ». Cependant, la présence d’une application pratique ne signifie pas automatiquement qu’une revendication vise un objet brevetable. Dans Amazon, la Cour d’appel fédérale, commentant Schlumberger, a noté que l’utilisation de l’ordinateur était une application pratique, mais qui était toutefois insuffisante pour satisfaire à l’exigence du caractère physique qui est implicite dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets (Amazon aux par. 62 et 69).

[59] Dans sa réponse à la décision finale, le Demandeur a cité plusieurs décisions du commissaire. Je note que chaque affaire est tranchée en fonction de son propre mérite, mais, en général, toutes les affaires citées sont antérieures à l’EP2020–04 et à Benjamin Moore CAF.

[60] En conclusion, j’estime que les revendications au dossier ne visent pas un objet brevetable et ne sont pas conformes à la définition d’invention fournie à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les revendications visent un objet exclusivement abstrait interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Les problèmes mineurs

[61] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[62] La section 16.03 du RPBB, révisée en mars 1998, énonce les détails de la pratique du Bureau des brevets quant à la clarté des revendications.

[63] La décision finale indiquait ce qui suit :

[traduction]

La revendication 1 est indéfinie et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. L’expression « les cartes de jeu génératrices de nombres physiques » n’a aucun antécédent.

La revendication 1 est indéfinie et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Ce qui est entendu par les cartes de jeu génératrices de nombres physiques n’est pas clair.

Les revendications 22 à 24 sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La revendication 22 vise un procédé pour jouer à un jeu de cartes comme dans la revendication 1, toutefois la revendication 22 semble décrire un appareil informatique et pas un procédé. La revendication 23 vise « L’appareil informatique de la revendication 22 », toutefois la revendication 24 vise un procédé comme pour les revendications 22 et 23. Par conséquent, il n’est pas clair quant à savoir si l’intention est que les revendications 22 à 24 visent un appareil informatique ou un procédé.

[64] Dans la réponse à la décision finale, le Demandeur a noté ceci :

[traduction]

Il semble étrange que cette personne versée dans l’art ne comprendrait pas l’expression « cartes de jeu génératrices de nombres aléatoires ».

[65] À mon avis, le terme [traduction] « cartes de jeu génératrices de nombres physiques » à la revendication 1 au dossier n’est pas clair et manque d’antécédent. La description fait référence à jouer au jeu, soit avec des cartes physiques, soit virtuellement sur un ordinateur. La description n’utilise même pas l’expression [traduction] « génératrices de nombres physiques ». Il n’est pas clair si cela fait référence à un composant informatisé, comme la personne versée dans l’art comprendrait conventionnellement l’expression, ou le mélange aléatoire des cartes dans le contexte de la revendication 1 qui vise la mise en œuvre du jeu avec des cartes physiques.

[66] Puisque la description, comme produite à l’origine, n’utilise pas l’expression [traduction] « génératrices de nombres physiques », il y a une irrégularité supplémentaire à l’égard de l’article 60 des Règles sur les brevets :

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

[67] Le terme [traduction] « mélange » est appuyé par la description aux par. 0030 et 0038. J’estime que la personne versée dans l’art comprendrait que cela serait réalisé aléatoirement dans une mise en œuvre avec des cartes physiques et par l’utilisation d’une génération de nombres aléatoires ou pseudoaléatoires dans une mise en œuvre par ordinateur.

[68] À mon avis, les revendications 22 à 24 sont diffuses. La revendication 22 vise une mise en œuvre par ordinateur, mais fait référence à [traduction] « Un procédé pour jouer à un jeu de cartes comme dans la revendication 1 […] » laquelle est expressément un procédé qui utilise des cartes physiques. Littéralement, la revendication vise donc un procédé qui utilise à la fois des cartes physiques et virtuelles. Je suppose que le Demandeur avait l’intention que la revendication 22 vise un procédé mis en œuvre par ordinateur exécutant les étapes de la revendication 1 sans utiliser de cartes physiques et j’ai interprété les revendications 22 à 24 ainsi pour l’analyse de l’objet ci-dessus. De plus, il manque un verbe à la ligne 2 de la revendication 22, comme [traduction] « où un appareil informatique est configuré […] ». La revendication 23 vise un appareil, mais dépend toutefois de la revendication 22, laquelle vise un procédé. La revendication 24 vise un procédé, mais dépend des revendications 22 et 23, lesquelles visent un procédé et un appareil, respectivement.

[69] La revendication 23 est également indéfinie puisque le terme subjectif [traduction] « comme » donne lieu à de l’incertitude quant à quel point un appareil informatique personnel doit ressembler à un ordinateur personnel ou un assistant numérique personnel pour correspondre à la portée de la revendication (voir le RPBB, à la section 16.03.02).

[70] De plus, la revendication 24 n’est pas conforme au paragraphe 63(3) des Règles sur les brevets :

Toute revendication dépendante qui renvoie à plus d’une revendication ne peut renvoyer à ces revendications que dans le cadre d’une variante.

[71] La revendication 24 dépend des revendications 22 et 23 plutôt que de l’une ou l’autre.

[72] La décision finale notait ce qui suit :

[traduction]

La description n’est pas conforme au paragraphe 68(1) des Règles sur les brevets. Les pages 6 et 6a contiennent des notes interlinéaires, des annulations ou des corrections et doivent être remplacées. Ces pages contiennent des soulignements et doivent avoir une copie propre sans inscriptions.

[73] La règle pertinente se trouve maintenant à l’alinéa 13(1)c) des Règles sur les brevets. Je suis d’accord avec la décision finale.

[74] Enfin, la décision finale a souligné ce qui suit :

[traduction]

Les pages des revendications ne sont pas numérotées dans un ordre consécutif et ne sont pas conformes au paragraphe 73(1) des Règles sur les brevets. Les pages des revendications doivent commencer à la page 25, puisque les pages de la description se terminent à la page 24.

[75] Le paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets (anciennement le paragraphe 73(1)) dispose que :

Les pages du mémoire descriptif sont numérotées consécutivement.

[76] La numérotation actuelle des pages ne suit pas cette règle, car le terme « mémoire descriptif » renvoie à la description et aux revendications dans leur ensemble. Les pages des revendications au dossier sont numérotées à partir de la page 90, alors que la dernière page de la description est numérotée page 24.

[77] Je note également une irrégularité dans la numérotation des pages supplémentaires. Les pages 6 et 6a de la description au dossier sont numérotées au haut de ces pages (correctement), toutefois elles ont des numéros de page excédentaires 88 et 89 situés au bas de ces pages, et les autres pages de la description sont numérotées au bas. Par conséquent, j’estime que ces pages ne sont pas conformes au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

Les modifications proposées corrigent seulement les irrégularités mineures

[78] Les plus récentes revendications proposées soumises le 12 avril 2024 diffèrent des revendications au dossier sur plusieurs aspects, notamment :

  • le préambule de la revendication proposée 1 vise un procédé pour mener un événement ou des jeux de poker avec mises plutôt que procédé pour jouer une partie de cartes de poker avec mises;
  • la revendication proposée 1 récite le mélange, plutôt que le mélange des cartes génératrices de nombres physiques;
  • la revendication proposée 22 vise un appareil informatique spécialisé programmé pour mettre en œuvre les étapes du procédé de la revendication 1, plutôt qu’un procédé pour jouer à un jeu de cartes avec un appareil informatique configuré et récite en plus le nouveau calcul des valeurs des piles de jetons;
  • la revendication proposée 23 omet l’expression [traduction] « comme »;
  • la revendication proposée 24 dépend seulement de la revendication 22 et récite les ordinateurs de client et de serveur.

[79] À mon avis, le changement de terminologie dans le préambule de la revendication proposée 1 ne change pas l’analyse de l’objet. L’invention réelle demeure des règles abstraites pour un jeu de cartes joué avec des cartes de jeu conventionnelles. J’estime qu’il s’agit toujours d’un algorithme abstrait et d’un objet non brevetable.

[80] À mon avis, le changement de terminologie à un appareil informatique spécialisé et l’ajout du nouveau calcul des valeurs de piles de jetons dans la revendication proposée 22, ainsi que les détails supplémentaires de l’architecture informatique conventionnelle, récités dans la revendication proposée 24, ne changent pas l’analyse de l’objet. L’ordinateur est seulement [traduction] « spécialisé » dans le sens qu’il est particulièrement programmé pour mettre en œuvre les règles de jeu. L’ordinateur physique et le réseau sont génériques. Un système informatique ne devient pas spécialisé seulement parce qu’il exécute un nouveau procédé, pas plus que l’ordinateur utilisé dans Schlumberger était spécialisé parce qu’il était programmé pour exécuter des opérations mathématiques particulières.

[81] Les détails supplémentaires n’étaient pas récités dans la divulgation produite à l’origine, toutefois le Demandeur reconnaît dans l’observation du 22 mars 2024 (à la page 15) que ces détails feraient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[82] À mon avis, la mise en œuvre d’une architecture informatique couramment connue ne représente aucune amélioration à un système informatique. L’invention réelle des revendications proposées 22 à 24 vise toujours un algorithme abstrait pour jouer à un jeu.

[83] Les revendications proposées corrigeraient les irrégularités du caractère indéfini et du fondement soulevées pour les revendications 1 et 22 à 24 au dossier ainsi que l’irrégularité de la numérotation des pages des revendications.

[84] Les pages 6 et 6a modifiées proposées de la description, soumises le 7 juin 2022, corrigeraient les irrégularités des notes interlinéaires et de la numérotation des pages.

[85] Les revendications proposées du 12 avril 2024 ne corrigeraient pas les irrégularités majeures associées à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, je n’estime pas qu’elles soient des modifications nécessaires au sens du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

  • Les revendications au dossier visent un objet non brevetable. Elles ne sont conformes ni à l’article 2 ni au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • Les revendications 1 et 22 à 24 sont indéfinies. Elles ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • La revendication 1 manque de fondement. Elle n’est pas conforme à l’article 60 des Règles sur les brevets;
  • La revendication 24 dépend de plus d’une revendication. Elle n’est pas conforme au paragraphe 63(3) des Règles sur les brevets;
  • La numérotation des pages des revendications n’est pas en ordre consécutif avec la numérotation des pages de la description. Elle n’est pas conforme au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets; et
  • Les pages 6 et 6a de la description ne sont pas conformes à l’alinéa 13(1)c) et au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

[87] Les modifications proposées aux revendications et à la description ne corrigent pas les irrégularités de l’objet et, par conséquent, ne constituent pas des « modifications nécessaires » au sens du paragraphe 86(11) de la Loi sur les brevets.


 

Howard Sandler

Membre

 

Décision du commissaire

  • Les revendications au dossier visent un objet non brevetable. Elles ne sont conformes ni à l’article 2 ni au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • Les revendications 1 et 22 à 24 sont indéfinies. Elles ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • La revendication 1 manque de fondement. Elle n’est pas conforme à l’article 60 des Règles sur les brevets;
  • La revendication 24 dépend de plus d’une revendication. Elle n’est pas conforme au paragraphe 63(3) des Règles sur les brevets;
  • La numérotation des pages des revendications n’est pas en ordre consécutif avec la numérotation des pages de la description. Elle n’est pas conforme au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets; et
  • Les pages 6 et 6a de la description ne sont pas conformes à l’alinéa 13(1)c) et au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

[89] Par conséquent, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour la présente demande.

[90] Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 29e jour de mai 2024.