Destitution

procédure permettant au pouvoir législatif de destituer un haut fonctionnaire d'un gouvernement

La destitution est une procédure de droit qui vise à priver quelqu'un de sa charge ou de sa fonction. Elle est notamment utilisé par l'organe détenant le pouvoir législatif à la suite d'une mise en accusation, ou en anglais impeachment /ɪmˈpiːt͡ʃmənt/[1] Écouter, d'un officiel du gouvernement. Dans les pays où cette procédure existe, elle nécessite généralement une large majorité des voix. Elle est généralement limitée aux crimes majeurs (haute trahisonetc.).

Bien qu'elle ait ses origines juridiques dans le droit anglais, la procédure d'impeachment est un outil du droit constitutionnel de nombreux pays : Brésil, Irlande, Inde, Philippines, Russie, Corée du Sud, États-Unis. Cette procédure de destitution a pour but de permettre d'engager des poursuites judiciaires pénales à l'encontre des hauts fonctionnaires destitués. Littéralement, le mot anglais impeachment signifiant « mise en accusation »[2], on distingue cette mise en accusation du procès proprement dit, l'impeachment trial. Dans son usage courant dans les pays concernés, le terme impeachment peut aussi désigner la procédure dans son ensemble, ou plus rarement la destitution proprement dite, qui en est l'issue.

Terminologie

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L’Office québécois de la langue française et Radio-Canada utilisent le terme « procédure de destitution » pour désigner l'impeachment[3],[4], terme qui est aussi de plus en plus populaire en Europe[5],[6]. Aux États-Unis, la « destitution » effective, à savoir « Renvoyer un fonctionnaire public de son emploi » (cf. définition du Littré) ne prendra effet que lorsque les deux tiers de la chambre dite « haute » (par exemple le Sénat aux États-Unis) déclareront, à la suite de la mise en accusation par la chambre dite « basse » (par exemple la Chambre des représentants aux États-Unis), que le haut fonctionnaire mis en accusation, déclaré coupable, ne peut plus assumer ses fonctions. Et ce n'est qu'au terme de ce procès mené par la chambre haute, s'il est déclaré par cette instance être coupable des faits qui lui sont reprochés, que le président sera effectivement « destitué ». « Mise en accusation » ne signifie donc pas « destitution ».

Droit par pays

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Brésil

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Les présidentes brésilienne Dilma Rousseff et sud-coréenne Park Geun-hye ont toutes deux été destituées à la suite d’une procédure d’impeachment, respectivement en 2016 et 2017.

La procédure de destitution a été appliquée en 2016 au Brésil dans le cadre de la destitution de Dilma Rousseff.

Au Canada, il n'existe pas de procédure législative de destitution de députés à la demande de la population. Cependant, les parlementaires peuvent tenir des votes de suspension de leurs membres, par ex. lorsque les sénateurs ont suspendu le sénateur Patrick Brazeau quand celui-ci faisait face à des accusations pénales; les accusations ont ensuite été retirées et il a ensuite réintégré son siège au Sénat[7].

La destitution du premier ministre du Canada est possible, mais elle se fait par voie parlementaire plutôt que par un vote direct de la population, lorsqu'en vertu des règles de souveraineté parlementaire, le premier ministre perd la confiance de la Chambre à la suite d'une motion de confiance[8]. Cela s'est notamment produit en février 1980 lorsque le premier ministre Joe Clark a démissionné après avoir perdu l'élection fédérale tenue à la suite d'un vote de non-confiance[9]. Bien que cette situation correspond généralement à la perte de confiance d'un gouvernement minoritaire par les députés d'opposition, il peut aussi théoriquement se produire au Canada une situation où le premier ministre d'un gouvernement majoritaire perd la confiance des députés de son propre parti, en plus de celle des députés d'opposition, comme cela s'est produit au Royaume-Uni lorsque le premier ministre Boris Johnson a annoncé sa démission[10].

Au Québec, le député d'opposition Éric Caire avait proposé un projet de loi sur la révocation des députés en 2011, mais ce projet de loi n'a pas été adopté[11].

En revanche, en ce qui concerne les maires québécois, leur destitution est possible en vertu de la Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions[12]. Cette loi a été adoptée dans le contexte d'affaires de corruption de personnalités municipales révélées lors de la commission Charbonneau. Cette loi modifie la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités afin de permettre à la Cour supérieure de déclarer l'incapacité provisoire d'un maire qui fait l'objet d'une poursuite pénale pour une infraction punissable pour une peine de plus de deux ans, à la demande de la municipalité, du procureur général ou de tout électeur de la municipalité[13].

Corée du Sud

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La procédure de destitution a été appliquée en 2016 en Corée du Sud dans le cadre de la procédure de destitution de Park Geun-hye (en).

États-Unis

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Cette procédure est originaire du Royaume-Uni mais elle est surtout connue pour son application aux États-Unis. Les présidents Andrew Johnson en 1869, Bill Clinton en 1998 et Donald Trump en 2019 et 2021 ont fait l’objet d’une procédure d’impeachment, qui n’a dans aucun des cas abouti à une destitution. Une procédure a été appliquée au président Richard Nixon en 1974 qui a démissionné avant que la procédure n’aille à son terme.

En 1887, après le scandale des décorations, le président Jules Grévy est poussé à la démission après un vote du Parlement, ce qui est une forme de destitution ; en effet, celle-ci n’était pas prévue par les lois constitutionnelles de la IIIe République. Cela affaiblira définitivement le pouvoir du Président de la République sous la IIIe République.

Dans la constitution de la cinquième république, actuellement en vigueur, la destitution est prévue depuis la révision constitutionnelle du portant sur le statut du président de la République par l'article 68 de la Constitution[14][réf. nécessaire]. Elle est applicable depuis la loi organique no 2014-1392 du portant application de l’article 68 de la Constitution.

La procédure peut être déclenchée par l’Assemblée nationale ou par le Sénat par l’adoption à la majorité des deux tiers des membres d’une proposition de réunion du Parlement en Haute Cour (1re condition). La seconde assemblée doit ensuite se prononcer dans les quinze jours. Si elle n’adopte pas cette proposition, la procédure est alors terminée (2de condition). La Haute Cour doit ensuite se prononcer dans un délai d’un mois. Elle est présidée par le président de l’Assemblée nationale.

Les votes s’effectuent à bulletins secrets. La délégation de vote est impossible. La majorité des deux tiers des membres de la Haute Cour est nécessaire pour prononcer la destitution du président (3e condition). Cette procédure est cependant quasiment impossible à réaliser dans les faits au vu des conditions cumulatives nécessaires à son application. Pendant la durée de la procédure, le chef de l’État continue d’exercer ses fonctions. Il n’y a pas d’intérim. Conçue par la Commission présidée par Pierre Avril sur le statut pénal du chef de l’État, la destitution constitue une contrepartie à la protection étendue dont bénéficie désormais le président[14].

Elle se distingue de la procédure de l'empêchement qui, sur un fondement différent, aboutit à un résultat similaire quand il est définitif.

А̀ la suite des révélations du livre Un président ne devrait pas dire ça…, le , une semaine après la sortie du livre, le député de l'opposition Pierre Lellouche demande à la tribune de l'Assemblée nationale que soit posée la question de la destitution du président. Il accuse en effet le chef de l'État d'avoir dévoilé aux deux journalistes des dossiers classés Secret-Défense, notamment les aveux d'assassinats ciblés et sur l'intervention française en Syrie. Le , une proposition de destitution est officiellement transmise par le député Christian Jacob au président de l'Assemblée, Claude Bartolone, qui la relaie au président et au Premier ministre. La proposition est signée par 79 parlementaires du parti Les Républicains, dont François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé ou encore Laurent Wauquiez, puis « se sont ajoutées 73 autres, pour un total de 152 »[15]. Sans surprise, la proposition est rejetée le par le bureau de l'Assemblée, par treize voix contre huit[16].

Le , alors que la France traverse une crise politique à la suite d'élections législatives anticipés qui ont vu la coalition politique de gauche Nouveau Front populaire avec le plus de députés et qu'elle propose Lucie Castets au poste de Premier ministre et que d'autres hypothèses sont envisagés pour cette fonction, notamment Xavier Bertrand (président LR du conseil régional des Hauts-de-France) et Bernard Cazeneuve (Premier ministre PS en 2016, il quitte ce parti pour fonder La Convention en 2023), Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Manuel Bompard et d'autres députés de La France insoumise écrivent une tribune dans La Tribune menaçant de démettre le président Emmanuel Macron s'il ne nomme pas Lucie Castets à Matignon[17],[18]. Une pétition sur le site macron-destitution.fr est lancée le dit atteindre 200 000 signatures le , bien que « la fiabilité du compteur interroge »[19],[20] et 300 000 le [21],[22]. La procédure est déposée à l'Assemblée nationale le par l'intégralité des députés du groupe La France insoumise ainsi que Benjamin Lucas-Lundy, Sandrine Rousseau, Clémentine Autain, Alexis Corbière, Hendrik Davi, Danielle Simonnet du groupe écologiste et social et Frédéric Maillot, Karine Lebon et Emeline K/Bidi du groupe Gauche démocrate et républicaine[23].

Royaume-Uni

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Notes et références

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  • Prononciation en anglais standard retranscrite selon la norme API, terme qui désigne la procédure de destitution. Voir le Larousse
  • Selon la définition du dictionnaire Webster.
  • Sophie-Hélène Lebeuf, « Dans la tourmente, Trump pourfend les démocrates », sur ici.radio-canada.ca, (consulté le )
  • « procédure de destitution », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
  • Gilles Paris, « Procédure de destitution : la contre-attaque laborieuse de Donald Trump »  , Le Monde, (consulté le )
  • Valérie Samson, Agence France-Presse, « États-Unis: les démocrates lancent une enquête pour destituer Donald Trump », Le Figaro, (consulté le )
  • (en-CA) Chris Hannay, « The full text of the motion to force Senator Patrick Brazeau to take leave of absence », The Globe and Mail,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • « Motion de confiance », sur Assemblée nationale du Québec (consulté le )
  • Richard T. Clippingdale et Edward Butts (mise à jour), « Joe Clark », sur L'Encyclopédie canadienne, (consulté le )
  • Zone International- ICI.Radio-Canada.ca, « Boris Johnson jette l’éponge et annonce sa démission », sur Radio-Canada, (consulté le )
  • Projet de loi no 493 Loi sur la révocation d’un député
  • LQ 2013, c 3
  • Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, RLRQ c E-2.2, art 312.1, <https://canlii.ca/t/19rz#art312.1>, consulté le 2022-07-09
  • a et b « En quoi consiste la procédure de destitution du président de la République ? », sur Vie-publique.fr (consulté le )
  • Antoine Bouchet, « Pourquoi François Hollande a lui aussi été visé par une procédure de destitution en 2016 », Le Point, (consulté le )
  • Jacques Pezet, « Quand la droite voulait destituer François Hollande en 2016 », Checknews, Libération, (consulté le )
  • Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot, Manuel Bompard, Nadège Abomangoli, Manon Aubry, Éric Coquerel, Clémence Guetté et Marina Mesure, « « Démettre le président plutôt que nous soumettre » (par Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Manuel Bompard) »  , La Tribune, (consulté le )
  • Agence France-Presse, « La France insoumise menace Emmanuel Macron d'engager une procédure de destitution - France Bleu », sur France Bleu, (consulté le )
  • Linh-Lan Dao, « VRAI OU FAUX. Pétition de LFI pour la destitution d'Emmanuel Macron : peut-on se fier au compteur qui affiche près de 200 000 signatures ? », sur Franceinfo, (consulté le )
  • C.A, « Plus de 200 000 personnes ont signé la pétition de LFI pour destituer Emmanuel Macron », Paris-Normandie, (consulté le )
  • Fatma Ben Amor, « France : La pétition "Macron destitution" dépasse les 300 000 signatures », sur Agence Anadolu, (consulté le )
  • Agence Anadolu, « France: 300 000 signatures pour la pétition "Macron destitution" », Yeni Şafak, (consulté le )
  • « Nouveau Premier ministre : 81 députés du Nouveau Front populaire ont signé une proposition visant à destituer Emmanuel Macron », sur Franceinfo, (consulté le )
  • Voir aussi

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    Articles connexes

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    Liens externes

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